Août 2023. Le soleil tape de toutes ses forces et donne au pays ce caractère caniculaire auquel il va falloir s’habituer dit-on. La chaleur étouffante s’est invitée jusque sur les plus hauts plateaux du département. Aux Estables, les visiteurs venus chercher la « fraîcheur » s’attroupent dans les moindres coins ombragés encore disponibles. Pourtant, les prairies arides et ensoleillées au pied du Mézenc, s’apprêtent en ce mois d’août à devenir le théâtre d’un attroupement d’une toute autre nature.
Plus tôt dans la journée, loi de la nature oblige, un jeune bovin n’a probablement pas survécu à la violence d’un été à laquelle il n’était probablement pas encore habitué. Gisant sur le sol et isolé du reste du troupeau, ce petit veau, de son triste sort, a attiré l’attention de ces grands nettoyeurs de la nature : les vautours.
Irréfutable : la Haute-Loire fait partie du terrain de prospection alimentaire des vautours.
Niché sur les falaises et parois rocheuses des Alpes, des Pyrénées et des Cévennes, ce rapace nécrophage recherche sa nourriture sur une surface de presque 500 000 hectares dans les milieux ouverts du massif central, comprenant la Haute-Loire, le Cantal et le Puy-de-Dôme
« Les spécimens sont plus nombreux, alors leur besoin en nourriture est plus grand, alors leur zone de prospection est plus grande. » Sébastien, guide spécialisé dans les oiseaux pour Guide Nature Randonnée
Le vautour travaille en équipe. Lorsqu’un spécimen, de sa vue exceptionnelle capable de détecter un objet jusqu’à 3 500m, aperçoit les signes d’une bête agonisante, ce dernier alerte, de son cri, le reste de la colonie. Et quand tous les voyants sont au vert, la curée peut commencer.
La curée correspond au processus de nettoyage d’une charogne. Vautours fauves, moines, percnoptères et gypaètes barbus se succèdent.
Ainsi, une bête de 50 kg peut être nettoyée en un quart d’heure. Ce qui donne aux vautours et aux hommes une bonne raison de bien s’entendre. Pour l’éleveur qui perd une bête de son cheptel, plutôt que d’engager un déplacement coûteux de l'équarrisseur, les vautours peuvent faire office d'équarrisseur naturel.
Sur la commune ardéchoise de Montselgues dans le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche, une placette d’équarrissage a été mise en place. Une action qui entre dans le programme de préservation des rapaces au même titre que la surveillance de la reproduction. Sur cette placette, éleveurs viennent y déposer leurs bêtes défuntes et donnent aux vautours tout le loisir de s’en délecter.
« Chaque espèce d’oiseau est adaptée à son style de vie. Le Pic, par exemple, possède des caractéristiques adaptées pour s’attaquer aux arbres, grâce à son bec notamment. Le vautour, lui, possède les caractéristiques d’un pur charognard : vue, morphologie, système digestif » Sébastien, accompagnateur nature pour GNR
L’acidité du système digestif du vautour permet d’éliminer les risques de transmission par les fientes : il est ainsi qualifié de « cul de sac épidémiologique ». Au contact de matières à risque (sang, chair, etc.) lors de la curée, le vautour cherche après celle-ci un point d’eau afin d’y laver son plumage.
En bref, le vautour est un acteur essentiel dans le fonctionnement d’un écosystème sain. Sa présence aurait alors tout intérêt à être souhaitée ou redoutée ? « L’observation de vautour est de plus en plus fréquente sur le massif du Mézenc. D’un point de vue écologique et pour la biodiversité c’est une aubaine, car le vautour est un maillon important de la chaîne alimentaire » Sébastien, accompagnateur nature pour Guide Nature Randonnée.
Pourtant les vautours sont à ce jour une espèce vulnérable dans la région selon la liste rouge des vertébrés terrestres de l’observatoire de la biodiversité d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Mais sans aucun doute, la présence des vautours fascine. Lorsqu’une colonie s’empare du ciel du Mézenc, le bruit fait le tour du village en un temps éclair. Et aussitôt, curieux et curieuses de tout âge ont leurs yeux émerveillés tournés vers le ciel et ce spectacle hypnotisant de la nature.
Pour aller plus loin, écoutez le poscast de Damien Cocatre, chargé de mission Natura 2000 pour le Parc Naturel Régional des Monts d'Archèche.
Vous pouvez également retrouver à l'Office de Tourisme des Estables l'ouvrage d'Alain Bougrain Dubourg sur Les rapaces d'Ardèche du Rhône au Mont Mézenc.
